Vu le film Le Doulos de Jean Pierre Melville (1963) avec Jean Paul Belmondo Serge Reggiani Jean Desailly Michel Piccoli Fabienne Dali René Lefèvre Carl Studer Christian Lude Marcel Cuvelier Jacques de Léon
Faugel est un homme brisé. Pour se venger de l'assassinat
de sa femme, il abat Gilbert Varnove, un receleur de bijoux qui l'héberge
depuis sa sortie de prison. Puis il prépare avec son ami Rémy un cambriolage
dans une villa de Neuilly et fait appel à Silien pour le matériel nécessaire au
perçage du coffre-fort. Mais ce dernier passe pour un indicateur : on
l'appelle le doulos (le mouchard). La police survient pendant le casse.
Le Doulos (1962), réalisé par Jean-Pierre
Melville, est un chef-d'œuvre du cinéma noir français qui reflète l'amour du
réalisateur pour les polars américains, tout en créant un univers profondément
personnel et singulier. Adapté du roman de Pierre Lesou, ce film réunit tous
les éléments emblématiques de Melville : une atmosphère sombre, des personnages
ambigus, une esthétique léchée, et une narration maîtrisée, où mensonge et
trahison s’entremêlent pour tisser une toile de tension quasi insupportable.
Le film suit deux personnages clés : Maurice Faugel, un
cambrioleur récemment sorti de prison, interprété par Serge Reggiani, et
Silien, son mystérieux ami, incarné par un Jean-Paul Belmondo énigmatique.
Faugel, d’abord épris de vengeance, oscille entre sa loyauté envers ses
complices et ses propres objectifs personnels, tandis que Silien se révèle
insaisissable, naviguant entre les rôles de complice, indicateur pour la police
et manipulateur machiavélique. Cette ambiguïté constante pousse le spectateur à
remettre en question chaque parole et chaque acte, créant une tension
psychologique rare dans le cinéma de l’époque.
Melville puise dans les codes du film noir américain :
l’ombre, les chapeaux feutrés, les manteaux sombres, et cette image froide et
grise d’un Paris nocturne magnifiquement photographié. La photographie en noir
et blanc, signée Nicolas Hayer, est exceptionnelle : chaque plan est sculpté
par la lumière et les ombres, offrant des contrastes intenses qui évoquent une
ville à la fois familière et étrangère, un lieu de mystère où les trahisons se
cachent à chaque coin de rue. Les jeux d’ombre rappellent le cinéma d'Orson
Welles et Fritz Lang, tout en ayant une identité propre à Melville.
Au-delà de son esthétisme, le film brille par sa
réflexion sur les dilemmes moraux et la complexité de l’amitié. Le Doulos
signifie « indicateur » en argot, mais le mot devient ici le symbole d’une
tension éternelle : dans un monde de trahison, qui peut-on vraiment croire ? La
question obsède Maurice, qui découvre progressivement qu'il ne peut se fier à
personne. Le choix entre "mourir ou mentir" devient ainsi plus qu'un
slogan : c'est le dilemme central d'une existence marquée par la trahison, où
chaque personnage doit se battre pour sa survie, quitte à sacrifier toute
moralité.
Belmondo, alors au sommet de sa popularité, incarne
Silien avec un détachement glacial, dégageant une force et une complexité qui
le rendent aussi charismatique qu'inquiétant. Faugel, quant à lui, est plongé
dans un abîme de méfiance, incapable de démêler le vrai du faux, hésitant à
chaque pas. Leur relation, entre rivalité et loyauté trahie, constitue le cœur
battant du film et porte la tragédie d’un monde où les alliances se brisent au
moindre prétexte.
Avec Le Doulos, Melville offre une œuvre où les
mots et les regards prennent autant de poids que les coups de feu, et où chaque
choix entraîne des conséquences tragiques. Le film est une démonstration de
l'art de Melville, qui manie le suspense avec une précision d'orfèvre, nous
offrant un moment de cinéma inoubliable et intense, où la question de la
loyauté se pose sans cesse et où chaque personnage doit, en fin de compte,
choisir entre mentir ou mourir.
ll faut choisir, mourir ou mentir.
- Réalisation : Jean-Pierre Melville
- Assistant réalisateur : Volker Schlöndorff et Charles Bitsch
- Scénario, adaptation et dialogues : J.-P. Melville, d'après le roman de Pierre Lesou paru aux éditions Gallimard
- Production : Carlo Ponti et Georges de Beauregard pour Rome-Paris Films et C.C Champion Films (Rome)
- Publicité de la production : Bertrand Tavernier
- Décors : Daniel Guéret, assisté de Donald Cardwell
- Images : Nicolas Hayer
- Opérateur : Henri Tiquet, assisté de André Dubreuil et Étienne Rosenfeld
- Musique : Paul Misraki, en collaboration avec Jacques Loussier (piano-bar), éditions Hortensia
- Direction d'orchestre : Jacques Météhen
- Montage : Monique Bonnot, assistée de Michèle Boëhm
- Son : Julien Coutellier, assisté de Revelli et Gaudelet
- Script-girl : Élisabeth Rappeneau
- Régisseur : Jean Pieuchot et Roger Scipion
- Ensemblier : Pierre Charron
- Photographe de plateau : Raymond Voinquel
- Distribution : Lux-Films- C.C.F
- Directeur de production : Jean-Pierre Melville
- Les bijoux sont de René Longuet
- Jean-Paul Belmondo : Silien
- Serge Reggiani : Maurice Faugel
- Jean Desailly : le commissaire Clain
- Fabienne Dali : Fabienne, la femme de Nuttheccio
- Michel Piccoli : Nuttheccio
- René Lefèvre : Gilbert Varnove
- Marcel Cuvelier : le premier inspecteur
- Jack Léonard : le deuxième inspecteur
- Aimé de March : Jean, un ami de Maurice
- Monique Hennessy : Thérèse Dalmain
- Philippe Nahon : Rémy, le complice de Maurice
- Jacques de Léon : Armand, le patron du Cotton Club
- Carl Studer : Kern
- Paulette Breil : Anita
- Daniel Crohem : l’inspecteur Salignari
- Charles Bouillaud : un barman du Cotton Club
- Dominique Zardi : un garde du corps de Nuttheccio
- Christian Lude : le docteur
- Robert Blome : un serveur
- Albert Daumergue : un serveur du Cotton Club
- Charles Bayard : le vieil homme violenté
- Georges Sellier : un barman
- Vladimir Andrès : le maître d'hôtel du Cotton Club
- Jacques Van Doren : un garde du corps de Nuttheccio
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