le film Un Silence de Joaquim Lafosse (2024) avec Daniel Auteuil Emmanuelle Devos Mathieu Galoux Jeanne Cherhal Louise Chevillote Damien Bonnard Raphaelle Bruneau Karim Barras Nicolas Buysse Laurent Bozzi Larisa Baser
Silencieuse depuis 25 ans, Astrid
la femme d'un célèbre avocat voit son équilibre familial s'effondrer lorsque
ses enfants se mettent en quête de justice.
Produit distribué par Les Films du
Losange
Un Silence de Joaquim Lafosse plonge dans
une atmosphère lourde et troublante, où le réalisateur de L’Élève Libre
explore, comme à son habitude, des thèmes complexes et sensibles. Cette fois,
Lafosse met en scène un huis clos psychologique, où une famille se trouve
confrontée à un lourd secret. À travers les rôles d'Auteuil et de Devos, les
tensions s'accumulent, révélant une ambivalence qui perturbe autant les
personnages que le spectateur. La performance d’Auteuil incarne un patriarche
ambigu, tiraillé entre la préservation de la famille et l'inavouable. Quant à
Devos, son jeu traduit une vulnérabilité qui semble s'effriter au fil du récit.
Le jeune Mathieu Galoux, dans un rôle difficile, parvient à s'intégrer au
milieu de ces géants, offrant une performance tout en retenue et en finesse.
Lafosse ne cherche pas à épargner
son public. Au contraire, il expose une nature humaine complexe, parfois
méprisable, sans jamais chercher à donner de réponses ou de jugements. Le choix
de l'absence de prise de position peut cependant être dérangeant pour certains
spectateurs. En refusant de guider notre empathie ou notre colère, le
réalisateur nous abandonne face à notre propre interprétation, ce qui peut
laisser une impression de malaise et d’inachevé. Cette neutralité, perçue par
certains comme une forme de voyeurisme, oblige le spectateur à observer
l’horreur et la bassesse des comportements sans perspective morale claire.
La mise en scène de Lafosse,
souvent minimaliste, renforce cette sensation d’étouffement et de malaise. On
sent l’enfermement psychologique des personnages, accentué par des plans serrés
et un silence oppressant. L’absence de musique dramatique permet à chaque
respiration, chaque silence, de peser lourdement sur les scènes, laissant au
spectateur le soin d’assimiler chaque révélation.
Le film culmine dans un flash-back
qui, bien que révélateur, laisse néanmoins un goût amer. Ce dénouement ne
procure pas réellement de soulagement mais plutôt un sentiment d'injustice et
de perdition, comme si le réalisateur nous invitait à observer la faillibilité
humaine dans toute sa cruauté et son impuissance. Ce final peut frustrer : loin
d'offrir une résolution, il semble se désintéresser de l'impact sur le
spectateur, nous laissant seuls face à un abîme de non-dits et de questions
sans réponses.
Malgré des performances
magistrales et une réalisation soignée, Un Silence demeure un film
difficile à recommander, non seulement pour son sujet, mais aussi pour le
regard implacable qu'il porte sur les êtres humains. Si l'on en ressort remué,
ce n'est pas forcément avec un sentiment de catharsis, mais plutôt de trouble
profond. C’est une œuvre exigeante, qui s'adresse à un public prêt à affronter
une vision de l’humanité brute et sans filtre, loin de tout manichéisme.
NOTE : 12.10
FICHE TECHNIQE
- Réalisation : Joachim Lafosse
- Scénario : Joachim Lafosse, Thomas van Zuylen, Sarah Chiche, Matthieu Reynaert, Valérie Graeven, Chloé Duponchelle et Paul Ismael
- Musique :
- Décors : Anna Falguères
- Costumes : Isabel van Renterghem et Judith de Luze
- Photographie : Jean-François Hensgens
- Son : Alain Goniva
- Montage : Damien Keyeux
- Production : Aton Iffland Stettner, Eva Kuperman, Jani Thiltges, Antonino Lombardo, Régine Vial et Alexis Dantec
- Sociétés de production : Les Films du Losange, Prime Time, RTBF, Proximus, Stenola Productions, Samsa Film, Voo et France 3 Cinéma
- Société de distribution : Les Films du Losange
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