Pages

dimanche 3 août 2025

10.30 - MON AVIS SUR LE FILM LE TELEPHONE SONNE TOUJOURS DEUX FOIS DE JEAN PIERRE VERGNE (1985)


 Vu le film Le Téléphone sonne toujours deux fois de Jean Pierre Vergne (1985) avec Didier Bourdon Pascal Legitimus Bernard Campan Seymour Brussel Smain Jean Claude Brialy Jean Yann Jean Reno Michel Galabru Darry Cowl Henri Courseaux Michel Constantin Clémentine Célarié Patrick Sebastien 

Alerte dans la ville: le tueur au téléphone a encore frappé, incrustant sur le front de sa victime, toujours une femme, le cadran de l'appareil. Aucun mobile n'explique apparemment de tels crimes. Marc Elbichon, un jeune privé, est sur l'affaire depuis plusieurs semaines, sans succès. 

Le Téléphone sonne toujours deux fois (1985), réalisé par Jean-Pierre Vergne, est un véritable objet comique non identifié, tombé entre les mailles du filet, au moment où Les Inconnus n’étaient encore qu’un collectif en devenir. Bien avant La Télé des Inconnus ou Les Trois Frères, ce long-métrage regroupe l’ensemble du groupe originel (Campan, Bourdon, Légitimus, mais aussi Smaïn et Seymour Brussel) autour d’une intrigue policière volontairement absurde, où les sketchs s'enchaînent dans un esprit quasi surréaliste. 

Le film s’ouvre sur un meurtre loufoque dans une grande demeure, donnant le prétexte à une enquête policière menée de manière complètement décalée. Ce fil rouge n’est qu’un alibi : à l’intérieur, Le Téléphone... explose les codes du récit classique et se livre à une avalanche de gags visuels, de dialogues absurdes, de parodies de film noir et de détournements façon ZAZ (Zucker, Abrahams, Zucker). Les scènes se suivent comme des numéros de cabaret déglingué, en prise directe avec leurs spectacles de scène du début des années 80. 

L’une des grandes richesses du film, c’est cette liberté de ton totale, presque artisanale, où l’on sent encore le plaisir du jeu de troupe. Les membres des Inconnus y incarnent tour à tour inspecteurs, témoins, suspects, bourgeois, flics, et même personnages secondaires totalement absurdes. Pascal Légitimus, notamment, y montre déjà son génie du changement de registre, passant d’un personnage très premier degré à un grand n’importe quoi avec un flegme désarmant. 

Mais surtout, le film n’a pas à rougir du casting qui les entoure : Jean Yanne, formidable en patriarche borné, hilarant dans ses joutes avec ses domestiques ; Darry Cowl génial comme toujours dans son monde parallèle ; Michel Galabru, monumental, grimé en grand-père lubrique, dans l’une de ses performances les plus baroques. Et que dire de Jean Reno, tout jeune, déjà massif, qui incarne l’amant de Galabru avec un sérieux si total qu’il en devient surréel — la scène du duo dans la salle de bain fait partie des moments les plus invraisemblablement drôles du film. 

L’écriture rappelle celle de l’Almanach Vermot sous acide : jeux de mots pourris assumés, effets de répétition poussés jusqu’au vertige, gags à rebours, parodies de spots publicitaires, chansons idiotes. C’est souvent inégal, mais d’une telle densité comique qu’on est emporté. Et on sent que les futures signatures du trio se précisent : la dynamique Bourdon-Campan s’installe, le goût de la rupture de ton, du mélange entre comédie et grotesque noir, est déjà là. 

Pourquoi le film n’a-t-il pas marché ? Trop en avance sur son temps ? Trop fourre-tout ? Trop télévisuel pour le cinéma, et trop cinématographique pour le petit écran ? Sans doute un peu tout cela. Le marketing n’a pas su capter l’ovni qu’il était. Et pourtant, il possède une fraîcheur que Les Trois Frères — plus calibré, plus sage — n’aura jamais vraiment. 

Le Téléphone sonne toujours deux fois, c’est le grand éclat de rire inclassable du cinéma français des années 80. Un brouillon génial, une anomalie culte. Un film qui mérite d’être décroché du combiné de l’oubli. 

NOTE : 10.30

FICHE TECHNIQUE


DISTRIBUTION

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire