Vu le film Gunner de Dimitri Logothetis. (2024) Avec Luke Hemsworth, Morgan Freeman, Mykel Shannon Jenkins, Yulia Klass
Un vétéran des forces spéciales, Lee Gunner, emmène ses deux garçons faire du camping. Les garçons tombent sur un laboratoire de fentanyl et sont kidnappés par des trafiquants de drogue. Malheureusement pour ces derniers, Lee ne reculera devant rien pour ramener ses garçons sains et saufs.
Une cartouche mouillée dans une barrette de navets
Il y a des films qui ne méritent même pas la colère ou la moquerie. Gunner de Dimitri Logothetis fait partie de ceux-là : un ersatz d’action, une coquille vide d’intensité, une opération commerciale sans âme, tournée à la va-vite pour remplir un catalogue de VOD un peu trop maigre. Sorti directement en vidéo à la demande en France — ce qui en soi n’est pas un péché, mais souvent un indicateur — le film cumule les tares, jusqu’à susciter une forme de gêne : celle de voir des comédiens naguère prestigieux recycler leur aura dans des productions qui ne méritent même pas leur présence.
Un vétéran d’élite, Lee Gunner (interprété par Luke Hemsworth, le frère qui n’est ni Thor ni le cow-boy de Westworld), voit sa famille menacée par un cartel impitoyable. Alors qu’il tente de passer un week-end avec ses fils, ces derniers sont kidnappés par des criminels qui veulent lui faire payer de mystérieuses fautes du passé. Dès lors, Gunner se lance dans une vendetta sanglante, seul contre tous, à grand renfort de fusils, de ralentis ratés, de punchlines mal écrites et de cascades numériques dignes d’un fond vert de téléfilm moldave. Et quelque part, dans l’ombre, un Morgan Freeman hagard traîne sa voix grave et son costume de bureaucrate mafieux, comme s’il avait atterri dans le mauvais film… ou accepté le rôle les yeux fermés en échange d’un chèque facile.
On pourrait tenter d’excuser Gunner en le classant dans la catégorie des "séries B conscientes de leur statut", mais ce serait déjà trop d’honneur. Le film ne possède ni la patine visuelle d’un bon DTV, ni l’autodérision d’un John Wick de sous-sous-préfecture. Il est tout simplement mal fichu. La mise en scène de Logothetis, habitué aux Jiu Jitsu avec Nicolas Cage (autre recyclé notoire), est plate, illisible, sans invention ni rythme. Les scènes d’action sont montées à la truelle, les chorégraphies paraissent paresseuses, et les effets spéciaux numériques (explosions, sauts en parachute, impact de balles) sont à la limite de l’amateurisme. Certaines séquences feraient passer les Yamakasi pour un modèle de subtilité cinématographique.
Quant aux méchants… disons qu’on a vu plus crédibles dans un épisode de Walker Texas Ranger. Leur comportement frise la parodie : ils sortent un par un pour se faire descendre, ont des lignes de dialogue écrites à la pisse ("Tuez-le", "Ramenez-moi ses enfants", "Vous ne savez pas à qui vous avez affaire") et un QI stratégique inférieur à celui d’un Playmobil. Il faut dire que Gunner semble sortir d’un vieux tiroir à clichés : le héros invincible, les enfants kidnappés, la vengeance expéditive, la fusillade en forêt, le pote sacrifiable, le boss de fin caricatural. Rien, absolument rien, n’échappe à l’usine à lieux communs.
Et Morgan Freeman dans tout ça ? Voilà le clou du spectacle. Il incarne Kendrick Ryker, une figure énigmatique de la pègre, censée superviser les opérations à distance. Mais Freeman ne joue pas. Il déclame. Il récite. Il somnole. Son regard dit tout : "Vite, qu’on en finisse". Il est sans doute là pour financer une extension de sa maison, payer des impôts ou honorer un contrat signé un soir de fatigue. Sa présence, au lieu de hisser le film, l’enfonce davantage : on se sent floué, honteux presque, d’avoir cru qu’il aurait un vrai rôle à jouer.
Transparent. Luke Hemsworth est aussi expressif qu’un sac de pommes de terre en treillis, et n’a ni la rage, ni la présence, ni même le second degré pour justifier son personnage. Les enfants sont là pour être en danger. Les seconds rôles s’effacent dans une direction d’acteurs absente. On sent que personne n’y croit, pas même les figurants. Le tout baigne dans une photographie grisâtre, entre banlieue américaine générique et décors de studio étriqués, sans jamais générer la moindre tension.
Gunner est le parfait exemple du film-algorithme : on coche les cases, on aligne les scènes d’action, on colle un nom prestigieux sur l’affiche, et on espère que le public mordu de bourrinades cliquera sur "louer le film". Mais même pour un vendredi soir sans cerveau, c’est trop peu. Trop fainéant. Trop laid. Trop creux. Il n’y a ni adrénaline, ni fun, ni même une once d’originalité pour relever la sauce. On ressort du visionnage avec une étrange sensation de vide… et de honte pour les acteurs embarqués là-dedans.
Gunner n’est pas juste un mauvais film d’action. C’est une caricature de mauvais film d’action. Une sorte de patchwork mou de ce que l’on pensait enterré dans les années 90, mais sans l’humour involontaire qui les rendait attachants. Ici, tout est sinistre, cynique et mal torché. Un produit de consommation jetable qui ne mérite même pas un soir d’ennui.
Et encore, pour Morgan Freeman, même si lui-même ne semble pas s’en souvenir.
NOTE : 5.90

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