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mercredi 2 juillet 2025

17.20 - MON AVIS SUR LE FILM ZODIAC DE DAVID FINCHER (2007)

 


Vu le film Zodiac de David FIncher (2007) avec Jake Gyllenhaal Robert Downey Jr Mark Ruffalo Chloé Sévigny John Carroll Finch Anthony Edwards Penny Wallace Lee Norris Dermot Mulroney Jimmy Simpson Elias Koteas 

Zodiac, l'insaisissable tueur en série qui sévit à la fin des années 60 et répandit la terreur dans la région de San Francisco, fut le Jack l'Eventreur de l'Amérique. Prodigue en messages cryptés, il semait les indices comme autant de cailloux blancs, et prenait un malin plaisir à narguer la presse et la police. Robert Graysmith, jeune et timide dessinateur de presse, se lanca corps et âmes dans ce qui deviendra, l'enquête de sa vie. 

Zodiac (2007) de David Fincher est sans doute l’un des plus grands films de l’histoire du thriller d’enquête, précisément parce qu’il refuse les facilités habituelles du genre. Plutôt que de nous plonger dans une série de meurtres effroyables avec un suspense artificiel et des effets de manche, Fincher choisit de nous montrer l'horreur par le prisme de ceux qui la traquent : journalistes, policiers, dessinateurs judiciaires, anonymes tenaces. Tous pris dans la spirale d’un mystère irrésolu. 

Dès les premières minutes, le spectateur est mis en position d’observateur impuissant, exactement comme les enquêteurs. Nous ne sommes pas face à un thriller conventionnel. Fincher, enfant à l’époque des faits, fut marqué par cette période où le Zodiac menaçait d’attaquer un bus scolaire. Ce traumatisme collectif irrigue toute la mise en scène, discrète et obsédante, sans complaisance. 

Avec Zodiac, Fincher signe son œuvre la plus épurée. Finis les délires visuels de Fight Club ou les atmosphères gothiques de Seven. Ici, le style est transparent, au service d’un récit aussi glacé que précis, où l’angoisse naît de l’usure du temps, du doute, du néant. Le film épouse l’obsession de ses personnages, jusqu’à l’épuisement. Il faut saluer cette rare honnêteté narrative : les lenteurs, les culs-de-sac, les incertitudes ne sont pas des défauts, mais le cœur même du projet. Le spectateur vit les mêmes frustrations que les héros – et c’est bien parce qu’ils ne renoncent jamais qu’ils en deviennent, paradoxalement, héroïques. 

Jake Gyllenhaal incarne avec une intensité fragile un Robert Graysmith rongé par sa quête. Robert Downey Jr., en journaliste désabusé, apporte une ironie triste, tandis que Mark Ruffalo, en flic opiniâtre, incarne la constance dans l’échec. Tous sont brillants, parce qu’ils restent humains. Pas de surjeu, pas de moments de gloire : uniquement l’érosion du quotidien face à l’insaisissable. 

San Francisco fin 60/début 70 est reconstituée sans nostalgie. Pas d’ombres de hippies ici. Fincher refuse toute esthétisation rétro : il filme la ville comme un théâtre anxiogène, où le tueur semble omniprésent même quand il ne frappe pas. Le Zodiac devient une figure du doute, de l’absence, du vide. Et c’est là que le film est profondément terrifiant. 

Le jeu de piste devient une allégorie de la lutte contre l’oubli et le renoncement. Comment continuer à chercher quand tout vous pousse à abandonner ? Comment faire parler les silences, démêler les contradictions, résister au cynisme ? Le film pose ces questions sans jamais offrir de réponse rassurante. Le spectateur est contraint de s'interroger lui aussi, captivé malgré lui par un récit sans conclusion. 

Zodiac est un film grave, lent, passionnant, obsédant. Ceux qui attendaient un thriller à suspense en seront pour leurs frais. Mais ceux qui accepteront de s'y perdre y découvriront une œuvre immense, où le style s'efface devant l'humilité du récit, et où la tension est celle de l’intellect, de la mémoire, du doute. Un film sur ce qui reste quand la vérité vous échappe. Et sur ceux qui, malgré tout, ne cessent de chercher. 

NOTE : 17.20

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