Vu le film Heads of State de Ilya Naishuller (2025) avec Idris Elba John Cena Priyanka Chopra Jonas Carla Gugino Jack Quaid Paddy Considine Katrina Durden Stephen Root
Dans la comédie d'action Heads of State, le premier ministre britannique Sam Clarke (Idris Elba) et le président américain Will Derringer (John Cena) entretiennent une rivalité peu amicale et très publique qui met en péril la relation privilégiée.
On pourrait s'attendre au pire en lançant Heads of State sur Prime Video. Encore un film d’action estampillé Amazon ? Encore deux stars bankables, John Cena et Idris Elba, recyclées dans une énième opération commando sans âme ? Et pourtant — contre toute attente — le résultat fonctionne. Mieux : il enthousiasme. Car Heads of State, comme Nobody du même Ilya Naishuller, ne cherche pas à être réaliste ni subtil. Il veut divertir, et il y parvient avec une jubilation rare dans le cinéma d’action contemporain.
L’histoire est, il faut le dire, d’un invraisemblable total. Un président américain et un Premier ministre britannique se retrouvent au cœur d’une opération militaire non autorisée, impliqués dans une course contre la montre pour déjouer un complot géopolitique mondial. Ajoutez à cela une équipe d’agents déclassés, des gadgets absurdes, une menace nucléaire, et vous avez une intrigue digne d’un épisode de Team America — mais en version live et sérieusement burnée.
Et pourtant, l’ironie c’est que tout tient debout, ou plutôt : tout tient grâce au duo central. Idris Elba, impassible, charismatique, joue un agent désabusé qui a vu trop de missions tourner au vinaigre. John Cena, en contrepoint, compose un colosse joyeusement bourrin, mélange improbable entre soldat d’élite, enfant de 10 ans et comique de stand-up. Ensemble, ils fonctionnent comme une bombe à retardement. Leur antagonisme vire très vite à un bromance savoureuse, leur dynamique évoquant un croisement entre L’Arme Fatale et Bad Boys, mais avec une autodérision très 2020’s.
Ce qui frappe, c’est l’écriture des dialogues, volontairement excessive mais rythmée, pleine de réparties, d’insultes absurdes, de vannes qui tapent juste. Elba et Cena ont une alchimie évidente, et leurs échanges donnent au film une colonne vertébrale émotionnelle inattendue. On rit, mais on finit aussi par s’attacher à ces deux grands enfants en uniforme qui se trimballent leurs traumatismes comme des fusils d’assaut.
Ilya Naishuller, qui avait déjà prouvé son talent de chorégraphe de la violence dans Hardcore Henry et Nobody, livre ici une mise en scène plus classique mais diablement efficace. Les scènes d’action sont lisibles, spectaculaires, toujours ponctuées d’un clin d’œil humoristique qui désamorce l’excès sans jamais tomber dans la parodie. On pense à un Mission Impossible détraqué, à un Fast & Furious plus intelligent que prévu — un pur film pop-corn, mais fait avec savoir-faire.
Certes, la vraisemblance est aux abonnés absents. Aucun chef d’État ne se comporterait ainsi, aucun agent secret n’aurait ce niveau de liberté ou d’impunité. Mais le film ne le cache jamais. Il l’assume. Il en joue. Il en fait une forme de théâtre d’action survolté où la politique n’est qu’un décor pour cabotiner joyeusement entre explosions et répliques cinglantes. Il ne s’agit pas de croire ce qu’on voit, mais d’y prendre plaisir, comme on suivrait une bande dessinée dont les cases auraient été portées à l’écran avec du gros son et des muscles.
Les seconds rôles sont bien exploités : quelques apparitions bien senties (dont une présidente française hilarante), un méchant caricatural mais fonctionnel, des sidekicks efficaces. L’humour est souvent potache, mais sans vulgarité gratuite, ce qui rend le film étonnamment grand public.
En sortant de Heads of State, on a l’impression d’avoir vu un croisement entre une pub pour l’armée, une parodie d’espionnage et un buddy movie bien huilé. Et ça fait du bien. Parce que tout, dans ce film, semble crier : "On sait que c’est débile, mais on va le faire à fond, avec cœur et talent."
Donc oui, ce n’est pas Heat, ce n’est pas La Chute du Faucon Noir, ce n’est même pas True Lies — mais c’est une série B d’aujourd’hui, dopée à l’énergie, portée par deux comédiens au sommet de leur forme, et signée par un réalisateur qui a compris que le spectacle, pour être efficace, doit aussi être fun. Et là, il l’est.
Une réussite inattendue, bruyante, bête mais brillante.
NOTE : 11.30
FICHE TECHNIQUE
- Réalisation : Ilia Naïchouller
- Scénario : Josh Appelbaum, André Nemec et Harrison Query, d'après une histoire de Harrison Query
- Musique : Steven Price
- Décors : Niall Moroney
- Costumes : Jany Temime
- Photographie : Ben Davis
- Montage : Tom Harrison-Read
- Production : John Rickard, Peter Safran
- Producteurs délégués : Josh Appelbaum, John Cena, Idris Elba, André Nemec et Marcus Viscidi
- Sociétés de production : The Safran Company et Big Indie Pictures
- Société de distribution : Amazon MGM Studios
- John Cena (VF : Raphaël Cohen) : Will Derringer, président des États-Unis
- Idris Elba (VF : Daniel Njo Lobé) : Sam Clarke, Premier ministre du Royaume-Uni
- Priyanka Chopra Jonas (VF : Déborah Claude) : agente Noel Bisset du MI6
- Jack Quaid (VF : Gwendal Anglade) : agent Marty Comer, chef de station de la CIA à Varsovie
- Paddy Considine (VF : Yann Guillemot) : Viktor Gradov, trafiquant d'armes
- Stephen Root (VF : Gabriel Le Doze) : Arthur Hammond, Hacker et homme de main de Gradov
- Carla Gugino (VF : Juliette Degenne) : Elizabeth Kirk, Vice-présidente des États-Unis
- Sarah Niles (en) (VF : Corinne Wellong) : Simone Bradshaw, Cheffe de cabinet de la Maison-Blanche
- Richard Coyle (VF : Bruno Magne) : Quincy Harrington, Chef de cabinet du Premier ministre britannique
- Clare Foster (en) : Cat Derringer, Première dame des États-Unis
- Katrina Durden : Olga, tueuse de Gradov
- Aleksandr Kuznetsov : Sasha, tueur de Gradov
- Sharlto Copley (VF : Yannick Lassère) : agent Coop, membre de l'équipe de Bisset
- Steven Cree (VF : Matthieu Albertini) : agent Crasson, membre de l'équipe de Bisset
- Adrian Lukis (VF : Patrice Dozier) : Jack Gordon

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