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mardi 11 février 2025

14.20 - MON AVIS SUR LE FILM QUAND PASSENT LES CIGOGNES DE MIKHAIL KALATOZOV (1957)


 Vu   le film Quand Passes les Cigognes de Mikhaïl Kalatozov (1957) avec Tatiana Samoïlova Alexeï Batalov Vassili Merkouriev Alexandre Chvorine Svetlana Kharitonova Constantin Nikitine 

Le film se déroule à Moscou et dans une ville inconnue de l'arrière-pays, avant et pendant la Grande Guerre patriotique.

Boris et Veronika s'aiment et sont sur le point de se marier. Ils se promènent dans Moscou et remarquent une cigogne qui survole la ville. Pendant leur promenade, ils écoutent l'horloge de la tour Spasskaïa (ru) sonner 4 heures du matin, puis rentrent chez eux (à l'aube du 22 juin 1941). C'est ce matin-là que la Grande Guerre Patriotique a commencé. Boris, malgré la possibilité d'obtenir une dispense, décide de se porter volontaire pour le front. La convocation l'oblige à se présenter au point de rassemblement la veille de l'anniversaire de Veronika, à qui il laisse en cadeau un jouet : un écureuil avec un panier rempli de noix dorées, sous lequel il glisse un mot. Boris est escorté jusqu'au front, mais Veronika n'a pas le temps de lui dire au revoir.

Quand passent les cigognes (1957) de Mikhaïl Kalatozov incarne l'une des plus grandes réussites du cinéma soviétique d’après-guerre, une œuvre à la fois intime et monumentale, où la virtuosité technique sert un récit poignant. Couronné de la Palme d'Or à Cannes, ce film offre une perspective rare sur la Seconde Guerre mondiale : il ne s’attarde ni sur les combats ni sur les hautes sphères du pouvoir, mais plonge dans le quotidien des civils, dans l’attente, la douleur et l’absence.

Le film suit l’histoire de Veronika et Boris, un couple de jeunes Moscovites amoureux, séparés par la mobilisation du jeune homme sur le front. Tandis que Boris disparaît dans les tourments de la guerre, Veronika doit affronter les épreuves qui s’abattent sur elle, entre trahison, résignation et espoir. Contrairement à une vision héroïque et propagandiste souvent associée au cinéma soviétique de l’époque, Quand passent les cigognes privilégie l’émotion brute et le drame humain.

L’une des forces du film réside dans sa mise en scène vertigineuse. Kalatozov, épaulé par son chef opérateur Sergueï Ouroussevski, déploie un langage visuel d’une fluidité et d’une audace inouïes. La caméra virevolte, suit les personnages avec des plans-séquences virtuoses, épouse les mouvements de leurs âmes, créant une immersion totale dans leurs tourments. L’utilisation du noir et blanc renforce cette intensité dramatique : les contrastes marqués, les jeux d’ombres et de lumières accentuent l’aspect tragique et poétique de l’histoire.

L’une des scènes les plus marquantes demeure celle du bombardement, où Veronika court dans les rues de Moscou sous les explosions, la caméra capturant son désarroi avec une intensité suffocante. Cette capacité à traduire l’émotion par l’image confère au film une modernité saisissante, qui continue d’impressionner aujourd’hui.

Le film repose également sur l’interprétation bouleversante de Tatiana Samoïlova, dont le regard exprime à lui seul toute la douleur et la résilience de son personnage. Son évolution, de l’innocence à la souffrance, puis à l’acceptation, illustre le destin tragique de tant de femmes durant la guerre. À travers elle, Quand passent les cigognes devient une œuvre universelle sur la perte et le renouveau, bien au-delà du contexte soviétique.

Au-delà de son aspect mélodramatique, le film interroge le sacrifice et l’injustice de la guerre sans jamais tomber dans la glorification. Il rappelle que les batailles ne se jouent pas uniquement sur le front, mais aussi dans les foyers, dans l’attente et dans la souffrance silencieuse des êtres aimés laissés derrière.

Ainsi, Quand passent les cigognes transcende son époque et son cadre géopolitique pour s’imposer comme une fresque intemporelle sur la douleur humaine. Son esthétisme envoûtant, sa mise en scène audacieuse et sa charge émotionnelle en font un chef-d’œuvre incontournable du septième art, qui continue de hanter et d’émouvoir bien des décennies après sa sortie. Du grand cinéma, à la fois intime et épique, où l’Histoire se conjugue à l’échelle des sentiments humains avec une puissance rarement égalée.

NOTE : 14.20

FICHE TECHNIQUE


DISTRIBUTION

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