Vu le film Quand Passes les Cigognes de Mikhaïl Kalatozov (1957) avec Tatiana Samoïlova Alexeï Batalov Vassili Merkouriev Alexandre Chvorine Svetlana Kharitonova Constantin Nikitine
Le film se déroule à Moscou et dans une
ville inconnue de l'arrière-pays, avant et pendant la Grande Guerre patriotique.
Boris et Veronika s'aiment et sont sur
le point de se marier. Ils se promènent dans Moscou et remarquent une cigogne qui
survole la ville. Pendant leur promenade, ils écoutent l'horloge de la tour Spasskaïa (ru) sonner
4 heures du matin, puis rentrent chez eux (à l'aube du 22 juin 1941).
C'est ce matin-là que la Grande Guerre Patriotique a commencé. Boris, malgré la
possibilité d'obtenir une dispense, décide de se porter volontaire pour
le front. La convocation l'oblige à se présenter au point de rassemblement la
veille de l'anniversaire de Veronika, à qui il laisse en cadeau un jouet :
un écureuil avec un panier rempli de noix dorées, sous lequel il glisse un mot.
Boris est escorté jusqu'au front, mais Veronika n'a pas le temps de lui dire au
revoir.
Quand passent les cigognes
(1957) de Mikhaïl Kalatozov incarne l'une des plus grandes réussites du cinéma
soviétique d’après-guerre, une œuvre à la fois intime et monumentale, où la
virtuosité technique sert un récit poignant. Couronné de la Palme d'Or à
Cannes, ce film offre une perspective rare sur la Seconde Guerre mondiale : il
ne s’attarde ni sur les combats ni sur les hautes sphères du pouvoir, mais
plonge dans le quotidien des civils, dans l’attente, la douleur et l’absence.
Le film suit l’histoire de Veronika et
Boris, un couple de jeunes Moscovites amoureux, séparés par la mobilisation du
jeune homme sur le front. Tandis que Boris disparaît dans les tourments de la
guerre, Veronika doit affronter les épreuves qui s’abattent sur elle, entre
trahison, résignation et espoir. Contrairement à une vision héroïque et
propagandiste souvent associée au cinéma soviétique de l’époque, Quand
passent les cigognes privilégie l’émotion brute et le drame humain.
L’une des forces du film réside dans sa
mise en scène vertigineuse. Kalatozov, épaulé par son chef opérateur Sergueï
Ouroussevski, déploie un langage visuel d’une fluidité et d’une audace inouïes.
La caméra virevolte, suit les personnages avec des plans-séquences virtuoses,
épouse les mouvements de leurs âmes, créant une immersion totale dans leurs
tourments. L’utilisation du noir et blanc renforce cette intensité dramatique :
les contrastes marqués, les jeux d’ombres et de lumières accentuent l’aspect tragique
et poétique de l’histoire.
L’une des scènes les plus marquantes
demeure celle du bombardement, où Veronika court dans les rues de Moscou sous
les explosions, la caméra capturant son désarroi avec une intensité suffocante.
Cette capacité à traduire l’émotion par l’image confère au film une modernité
saisissante, qui continue d’impressionner aujourd’hui.
Le film repose également sur
l’interprétation bouleversante de Tatiana Samoïlova, dont le regard exprime à
lui seul toute la douleur et la résilience de son personnage. Son évolution, de
l’innocence à la souffrance, puis à l’acceptation, illustre le destin tragique
de tant de femmes durant la guerre. À travers elle, Quand passent les
cigognes devient une œuvre universelle sur la perte et le renouveau, bien
au-delà du contexte soviétique.
Au-delà de son aspect mélodramatique, le film interroge le sacrifice et l’injustice de la guerre sans jamais tomber dans la glorification. Il rappelle que les batailles ne se jouent pas uniquement sur le front, mais aussi dans les foyers, dans l’attente et dans la souffrance silencieuse des êtres aimés laissés derrière.
Ainsi, Quand passent les cigognes
transcende son époque et son cadre géopolitique pour s’imposer comme une
fresque intemporelle sur la douleur humaine. Son esthétisme envoûtant, sa mise
en scène audacieuse et sa charge émotionnelle en font un chef-d’œuvre
incontournable du septième art, qui continue de hanter et d’émouvoir bien des
décennies après sa sortie. Du grand cinéma, à la fois intime et épique, où
l’Histoire se conjugue à l’échelle des sentiments humains avec une puissance
rarement égalée.
NOTE : 14.20
FICHE TECHNIQUE
- Réalisation : Mikhaïl Kalatozov
- Scénario : Viktor Rozov
- Musique : Mieczysław Weinberg
- Photographie : Sergueï Ouroussevski
- Décors : Evgueni Svideteliev
- Costumes : Leonid Naoumov
- Montage : Maria Timofeïeva
- Son : Igor Maïorov
- Société de production : Mosfilm
- Pays de production :
Union soviétique
- Langue originale : russe
- Tatiana Samoïlova (V.F : Nadine Alari) : Veronika
- Alexeï Batalov (V.F : Roland Ménard) : Boris Fiodorovitch Borozdine
- Vassili Merkouriev (V.F : Pierre Morin) : Fiodor Ivanovitch Borozdine, le père de Boris
- Alexandre Chvorine (V.F : Jean-Louis Jemma) : Mark Alexandrovich Borozdine, le cousin de Boris
- Svetlana Kharitonova (V.F : Denise Bosc) : Irina Fiodorovna Borozdina, la sœur de Boris
- Constantin Nikitine (V.F : Jean-Claude Michel) : Vladimir, dit « Volodia »
- Valentin Zoubkov (V.F : Claude Bertrand) : Stepan, l'ami de Boris
- Ekatérina Kouprianova : Anna Mikhaïlovna Lebedeva
- Boris Kokovkine : Nicolaï Tchernov
- Antonina Pavlovna Bogdanova (ru) : Varvara Kapitanova, la grand-mère de Boris
- Maïa Boulgakova : la femme d'un soldat
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