Dans le cadre des Mille Films de ma Vie , je vous propose le film La Nuit du Chasseur de Charles Laughton (1955) avec Robert Mitchum Shelley Winters Lillian Gish Billy Chapin Sally Jane Bruce Gloria Castillo Peter Graves Evelyn Varden James Gleason Don Beddoe Roy Engel
Un prêcheur inquiétant poursuit
dans l'Amérique rurale deux enfants dont le père vient d'être condamné pour vol
et meurtre. Avant son incarcération, le père leur avait confié dix mille
dollars, dont ils ne doivent révéler l'existence à personne. Pourchassés sans
pitié par ce pasteur psychopathe et abandonnés à eux-mêmes, les enfants se
lancent sur les routes.
"La Nuit du Chasseur"
(1955), unique film réalisé par Charles Laughton, est un chef-d’œuvre
inclassable qui allie la noirceur du film noir à la puissance allégorique du
conte. Pourtant, lors de sa sortie, il fut un échec commercial et critique aux
États-Unis, ce qui dissuada Laughton de réitérer l’expérience derrière la
caméra. Ce n’est que des années plus tard que le film a été réhabilité par les
critiques et cinéphiles, devenant une référence absolue du cinéma mondial.
Le film met en scène Robert
Mitchum dans l'un de ses rôles les plus mémorables, celui du révérend Harry
Powell, un prédicateur meurtrier qui parcourt les États-Unis pour épouser des
veuves, les tuer et s’approprier leur argent. Sa cible principale est une veuve
jouée par Shelley Winters, mais sa quête de richesse prend une tournure encore
plus sombre lorsqu'il se met à traquer ses enfants, persuadé qu’ils détiennent
l’argent caché de leur père décédé. Mitchum, avec ses tatouages
"LOVE" et "HATE" sur les phalanges, incarne la dualité du
bien et du mal, tout en véhiculant une menace palpable tout au long du film.
Son personnage froid et manipulateur reste l'une des incarnations les plus
effrayantes du mal au cinéma.
Laughton utilise le noir et blanc
de manière magistrale, transformant l’histoire en un cauchemar visuel. Le film
est imprégné d’un style expressionniste, avec des contrastes marqués entre
l’ombre et la lumière, rappelant les films muets allemands et l’esthétique
gothique. Les scènes nocturnes, notamment celles où Powell traque les enfants,
sont d'une intensité presque insoutenable, créant une atmosphère d’angoisse
constante.
Les enfants, joués par Billy
Chapin et Sally Jane Bruce, apportent une fragilité qui contraste avec la
cruauté de Powell. Leur fuite à travers une Amérique rurale et fantasmagorique
symbolise une quête de survie dans un monde où les adultes, censés être protecteurs,
se révèlent être des prédateurs. Leur rencontre avec Rachel Cooper, une figure
maternelle interprétée par Lillian Gish, grande star du cinéma muet, apporte
une note d’espoir et de protection face à la menace omniprésente de Powell.
Gish, incarnation du bien, représente l'opposé direct de Mitchum, le mal
absolu, dans une confrontation finale aux accents bibliques.
Le film critique subtilement
l'hypocrisie religieuse à travers le personnage de Powell, un faux prophète qui
utilise la religion pour justifier ses actions violentes et cupides. Laughton
ne fait pas une attaque frontale contre la religion, mais montre comment elle
peut être manipulée par des figures charismatiques pour servir leurs propres
intérêts destructeurs.
La tension du film est portée par
une précision presque machiavélique dans la mise en scène, chaque plan étant
méticuleusement composé pour renforcer l’atmosphère oppressante. La musique,
signée Walter Schumann, contribue également à créer un climat de terreur
croissante.
Dans "La Nuit du
Chasseur", les deux enfants, John et Pearl, incarnent l’innocence et la
vulnérabilité, traqués sans relâche par Harry Powell, un prédateur implacable.
La dynamique entre les enfants et Powell peut effectivement être comparée à une
métaphore animalière, comme celle du lapin chassé par un rapace. Powell, tel un
oiseau de proie, plane sans cesse autour d'eux, son regard perçant les guettant
dans chaque recoin, prêt à fondre sur eux dès qu'il en a l’occasion.
Cette vision symbolique se
retrouve particulièrement dans la manière dont Laughton construit la tension
visuelle. Les enfants, petits et fragiles, fuient à travers une nature vaste et
sombre, une Amérique rurale peuplée de dangers. L’une des scènes les plus
marquantes est celle où Powell, chantant son sinistre refrain religieux, les
poursuit en bateau sur une rivière calme, tandis qu’ils tentent désespérément
de lui échapper. La rivière devient alors un espace à la fois de menace et de
répit, un contraste entre la traque implacable du prédateur et la fuite
effrayée de ses proies.
La métaphore du lapin et du rapace
accentue la lutte inégale entre les enfants et Powell. Ils sont faibles et sans
défense, alors que Powell est omniprésent, rusé et dangereux. Cependant, tout
comme dans la nature, l’espoir réside dans la possibilité de survie à travers
la ruse, la persévérance et, dans le cas du film, l’intervention providentielle
de Rachel Cooper, la figure protectrice qui veille sur les enfants comme un
refuge contre le prédateur.
Cette dynamique de proie et de prédateur, où le danger est constant et oppressant, renforce le suspense du film, faisant de "La Nuit du Chasseur" une fable terrifiante sur l’innocence pourchassée par le mal.
NOTE : 16.90
FICHE TECHNIQUE
- Réalisation : Charles Laughton
- Scénario : James Agee et Charles Laughton (non crédité) d'après le roman La Nuit du chasseur (en) de Davis Grubb (1953)
- Musique : Walter Schumann
- Photographie : Stanley Cortez
- Son : Stanford Houghton
- Montage : Robert Golden
- Direction artistique : Hilyard M. Brown
- Publicitaire[pas clair] : Saul Bass (non crédité)
- Production : Paul Gregory (en)
- Société de production : Paul Gregory Productions
- Sociétés de distribution : United Artists États-Unis, Les Artistes Associés France
- Budget : 795 000 $ (estimation)
- Robert Mitchum (VF : Roger Tréville) : le révérend Harry Powell
- Shelley Winters (VF : Jacqueline Porel) : Willa Harper
- Lillian Gish (VF : Denise Grey) : Rachel Cooper
- Billy Chapin (VF : Christian Fourcade) : John Harper
- Sally Jane Bruce (en) : Pearl Harper
- James Gleason (VF : Jean d'Yd) : « Oncle » Birdie Steptoe
- Evelyn Varden (VF : Cécile Dylma) : Icey Spoon
- Peter Graves (VF : Jean-Claude Michel) : Ben Harper
- Don Beddoe (VF : Paul Faivre) : Walt Spoon
- Gloria Castillo (en) : Ruby
- Corey Allen : un jeune homme en ville
- Paul Bryar (en) : Bart, le bourreau
- Roy Engel : le shérif
- James Griffith : le procureur
- George D. Wallace
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