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mercredi 6 avril 2016

DECES DE CHUS LAMPREAVE (La Muse de Pedro Almodovar)

C'Etait une icône. Pas comme Penélope Cruz ni Carmen Maura, pas comme Marisa Paredes ni Victoria Abril ou Rossy de Palma. Dans la famille des muses d'Almodóvar, Chus Lampreave, décédée le 4 avril 2016, était une star à part. Un petit bout de femme qui semblait n'être là que pour faire le clown, pour amuser la galerie – et qui avait pour cela un don, emballant un gag d'une œillade, déclenchant le rire rien qu'à sa façon de parler. Mais avec la fantaisie, elle apportait quelque chose de secret, de très précieux et de très pudique : elle était la dépositaire d'une tendresse infiniment maternelle. Chez Almodóvar, elle était l'âme du foyer.
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Son étrangeté servit d'étendard au cinéaste à l'époque de ses frasques joyeuses : pour jouer l'incroyable religieuse de Dans les ténèbres (1983), baptisée Soeur Rat d'égout et qui écrivait des romans à l'eau de rose en cachette, il y avait l'incroyable Chus Lampreave. Elle avait alors cinquante trois ans et, avec une audace que seuls possèdent normalement les enfants, elle pouvait tout dire, tout oser, sans jamais perdre une innocence lunaire. Dans Qu'est-ce que j'ai fait pour mériter ça ? (1984), de grosses lunettes qui allaient devenir caractéristiques donnaient des airs d'extra-terrestre à son personnage de grand-mère follement tranquille dans une famille où tout le monde pétait les plombs (souvenez-vous : la mère se shootait aux tranquillisants et tuait le père avec un jambon, le petit-fils se droguait et se prostituait). Planant au-dessus de cette folie urbaine, la grand-mère parlait avec un lézard qu'elle avait baptisé Argent car elle trouvait que sa couleur rappelait celle des anciens billets de mille pesetas... Tranquille mais hallucinante, Chus Lampreave traversait le film avec un sérieux du meilleur effet comique et, preuve que rien n'était impossible pour elle, finissait par exprimer la plus belle, la plus émouvante mélancolie : l'envie, au milieu des grands HLM de Madrid, de rentrer au pays, à la campagne, à la maison.
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'est ce sentiment-là, la nostalgie des origines, qu'Almodóvar lui demandera de jouer à nouveau, en 1995, dans leur plus beau film ensemble, La Fleur de mon secret. Elle y jouait la mère des deux soeurs interprétées par Marisa Paredes et Rossy de Palma, et tout aussi bien, la mère d'Almodóvar lui-même. Dépeinte alors comme une femme forte, généreuse, bavarde, amusante, actrice dans l'âme et autoritaire ! Plus que les détails ou la véracité du portrait, ce qui comptait était alors la place donnée à Chus Lampreave : dans un rôle secondaire (une place pas si simple qu'elle savait toujours rendre avantageuse), elle n'en était pas moins le centre de gravité du film, l'élément d'équilibre fondamental. Et c'est elle qu'on suivait jusqu'au village, c'est elle qui ouvrait le chemin à ce monde authentiquement campagnard dont Almodóvar lui confiait le soin d'exprimer la fibre populaire, les traditions, les valeurs de solidarité, et le goût des commérages. Elle était, là encore, l'âme de cette terre où le cinéaste retrouvait ses propres origines.
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Buster Keaton féminin
Clé de la fantaisie comme de l'intime, sésame de tout un univers de souvenirs sensibles, Chus Lampreave reviendra avec des grosses lunettes en femme de la campagne dans Volver (2006). Tout en accompagnant son metteur en scène fétiche vers la maturité et des œuvres plus complexes, elle restait dans ses films le symbole d'un amour de la vie directement lié à la comédie. En concierge et Témoin de Jéhovah, refusant mordicus de mentir pour aider un mari infidèle dans Femmes au bord de la crise de nerfs (1988), elle était si mémorable qu'elle reprit à quelques reprises la même fonction, devenant une citation almodovarienne chez Almodóvar, dans Parle avec elle (2002) et Etreintes brisées (2009). Douée pour les apparitions, Chus Lampreave en était une elle-même. Poétique, burlesque, parfois comparée à un Buster Keaton féminin, sa liberté et son audace n'avaient d'égales que sa modestie et sa douceur. En Espagne, c'est pour un film de Fernando Trueba (Belle Epoque, 1992) qu'elle reçut un Goya de la meilleure actrice dans un second rôle. Mais c'est bien Almodóvar qui fit d'elle une actrice populaire, une figure familière, très aimée. Et très regrettée aujourd'hui. 
FILMOGRAPHIE
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