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dimanche 3 mai 2015

UN PIGEON PERCHE SUR UNE BRANCHE PHILOSOPHAIT SUR L'EXISTENCE de Roy Anderson par Critique Chochon

Un pigeon perché sur une branche philosophait sur l'existence.
Samuel et Jonathan - de Brother Jonathan à Oncle Sam(uel), allégories des USA on ne peut pas faire difficilement plus claires - deux marchands ambulants de farces et attrapes "pour aider les gens à s'amuser" - métaphore évidente de "l'entertainment" made in USA - nous entraînent dans une promenade kaléidoscopique à travers la destinée humaine.
C’est un voyage qui révèle l’humour et la tragédie cachés en nous, la grandeur de la vie, ainsi que l’extrême fragilité de l’humanité.
"Un pigeon perché sur une branche philosophait sur l'existence" fait partie d'une trilogie cherchant à offrir des pistes de réflexion sur l'existence de l'Homme dont les deux premiers volets, "Chansons du deuxième étage" (2000) et "Nous, les vivants" (2007) ont aussi été réalisés par le suédois Roy Andersson.
Lion d'Or à Venise, et pour cause, c'est un chef d'oeuvre.
Le film est construit en une série de plans fixes aux cadrages littéralement somptueux, irradiés par une lumière étrange et onirique. Rarement au cinéma on ne voit un travail aussi abouti. La palette chromatique est très travaillée, aux ocres tantôt jaunâtres, tantôt verdâtres. Rarement au cinéma les portes et les fenêtres, portant essentiels dès lors qu'on est à l'intérieur n'ont été aussi bien filmés. Subtilement, servant le propos du films, ils nous demandent "d'où venons-nous ?", 'où allons-nous ?" avec la crudité respectueuse empruntée aux peintres Otto Dix et Georg Scholz, en s'inspirant aussi de Brueghel l'Ancien et Van Gogh. La littérature n'est pas en reste, entre le "Don Quichotte" de Cervantès et "Des souris et des hommes" de John Steinbeck.
D'aucuns se refusent à admettre le brio du plan fixe, trop habitués au zapping et aux montages saccadés. Et pourtant... cette façon de travailler permet de situer les personnages dans l’univers qui les entoure au lieu de les isoler. Regarder des films qui font constamment des coupes pour accélérer l’histoire sont des travers irrespectueux à la dignité humaine tandis que les valeurs visuelles du plan fixe, créent l’espace pour une composition plus ouverte, plus démocratique. On entre dans le plan, on sort du plan... Souvenez-vous, "Le Règle du Jeu" de Jean Renoir, chef d'oeuvre parmi les chefs d'oeuvre, avec ô combien de portes...
Impossible d'oublier ces plans, et je n'en cite ici que trois, mais chacun méritant un éloge. Jamais vous n'oublierez celui, dans un café, où nous est proposée "La chanson de la serveuse Lotta" ; jamais ne s'effacera la drôlerie de ceux, avant et après la bataille de Poltava entre la Suède et la Russie, dans un autre café, où arrive le Roi Charles XII (symbole de virilité et de machisme en Suède) qui ne pense qu'à draguer, séduire et enrôler le jeune barman ; jamais vous ne serez autant glacé devant celui, très allégorique, où figure une effroyable machine en cuivre où l'on fait entrer des noirs, hommes, femmes et enfants, dont on ferme la porte, sous laquelle on allume le feu, ce qui la fait tourner, tourner, tourner... laissant échapper une noire fumée.
Savoureux détail : Samuel et Jonathan vendent notamment des dents de vampire, un petit coussin qui envoie de faux rires, un masque très moche en caoutchouc, figurant un ridicule vieil homme édenté. La flèche adressée à tout ce qu'il y a de plus mauvais dans le cinéma hollywoodien est savoureuse.
Quatorze ans après "Chansons du deuxième étage", sept après "Nous les vivants", ce nouveau Roy Andersson, hilarant dès sa scène inaugurale, clôt une trilogie avec tout ce que l'on aime chez lui : plans-séquences sophistiqués, absurde dévastateur, angoisse existentielle, mélancolie contagieuse.
"Un pigeon perché sur une branche philosophait sur l'existence" se révèle être une perle d’humour noir qui dépeint en une petite quarantaine de scènes les comportements humains, entre pathétique et absurde, avec un trait lucide, souvent ironique, mais jamais méprisant, bien au contraire, avec un immense respect pour l'existence humaine.
La fantaisie illumine ce cinéma indompté, qui n'hésite pas à nous bousculer en télescopant les époques, à nous imposer un rythme contemplatif et exigeant. La mise en scène du cinéaste se rapproche du burlesque à la Jacques Tati, et suit sa propre musique, ensorcelante.
Je comprends qu'avec l'air de la tragi-comédie, Roy Anderson qui décide de lutter contre "l'hostilité à la réalité" chère à Loïc Wacquant (fameux élève de Bourdieu), c'est pour le moins audacieux. Mais ça n'est jamais, ni intello ni pompeux, tâchant avec une grande modestie et une sublime générosité, de nous soustraire à la médiocrité en riant.

Critique Chonchon

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