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mercredi 11 février 2015

LIFE D'ANTON CORBIJN PRESENTE A BERLIN : J'AI HATE !!!!


Un film photogénique d’Anton Corbijn.
Qu’est ce qu’une star sinon quelqu’un qui ramène du monde, même quand il n’est pas là ? Robert Pattinson est l’exemple parfait, comme l’a montré la projection presse de Life d’Anton Corbijn (hors compétition) à la Berlinale, dont il est la tête d’affiche. Son simple nom a fait venir une foule ahurissante, discutant dans toutes les langues, dans une file d’attente comparable à celles qui devancent les attractions de Disneyland Paris. Les portes à peine ouvertes, l’on comprit vite que tout le monde n’allait pas rentrer.
Un agglutinement humain s’est formé, invectivant les attachés de presse et employés du festival. A démarré une pénible symphonie de hurlements ponctuée par des petits malins criant le nom de leur journal comme un argument de leur droit d’entrée. A un «DER SPIEGEL !» beuglé répondirent un «ZEIT !» vociféré et des noms de médias anglo-saxons. On n’a pas osé crier «LIBÉÉÉ !», mais le cœur y était.
Dissolution. Dès les premières minutes du film, la liste des journaux criés auparavant a pris un tour plutôt ironique, puisque le titre du film, Life, n’est pas une référence à la «vie», mais au magazine américain Life, figure du photo-reportage de l’après-guerre.
Le Néerlandais Anton Corbijn, 59 ans et photographe, a débuté à la réalisation en 2007 avec Control, récit autour de la vie torturée de Ian Curtis de Joy Division. Son œuvre, dans les magazines de mode comme au cinéma, est le (beau) signe d’une obsession pour la «culture jeune», sa rébellion et sa lente dissolution dans la culture populaire. Son Life ne traite que de ça.
En 1955 à Los Angeles, un jeune photographe qui crève la faim est embauché pour faire des clichés de VIP dans une soirée. Près de la piscine, il rencontre un jeune comédien débutant, qui enchaîne les clopes et porte des tee-shirts blancs sur un corps lascif : James Dean. L’intelligence de Corbijn est de n’avoir pas casté Robert Pattinson pour jouer le Jimmy fumeur et photogénique. Ce dernier est interprété par Dane DeHaan, parfait en jeune homme fat, insupportable de flemme et de narcissisme. Pattinson, superstar et poster-boy depuis Twilight, qui fait tout pour se détacher de lui-même (chez Cronenberg notamment), est l’anonyme, masqué par la lumière de son flash.
Le film est tiré d’une histoire vraie, celle de Dennis Stock qui publia dans Life les clichés les plus célèbres de James Dean, réalisés pour Magnum. Lorsque se rencontrent les deux hommes, Stock prend conscience que le comédien inconnu sera un formidable modèle qui pourrait incarner son époque et sa jeunesse. Life suit l’amitié naissante entre Dean et Stock, leurs ratés, leurs cuites (avec Eartha Kitt notamment). Et recrée les prises de vues de photos célébrissimes : celle de l’acteur à Times Square ou dans sa ferme familiale de l’Indiana.
Ce que Corbijn filme magnifiquement, c’est moins l’icône que tout ce qui va avec. Comme le revers de la fascination que Stock a pour Dean, et qui n’est rien d’autre que la mise en lumière de son propre ratage. Pattinson (fascinant) demande, envieux, à l’acteur : «Comment tu fais pour que ce soit aussi facile ?»
Franchise. L’image est évidemment minutieuse, faite de déclinaisons de gris, de bleu pâle. Se mêle la reconstitution réaliste du New York pré-sixties, de l’ambiance des clubs et de l’Actors Studio, et l’obsession de Corbijn pour cette mystérieuse qualité qu’est la photogénie - Pattinson n’est pas le pire canevas pour l’exercice.

Frappe aussi la franchise avec laquelle Corbijn décrit les sentiments d’un photographe envers son sujet : il est d’abord entièrement habité, obsédé puis, comme dans tous les métiers de vampire, une fois le cliché obtenu, l’intérêt s’étiole, Stock veut passer à autre chose. Les photos paraissent dans Life et James Dean, gamin paumé, reste ce qu’il aura été pendant tout le film : une image dans le corps d’un idiot, qui décédera quelques mois plus tard dans le crash de sa Porsche 550.

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