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lundi 27 juillet 2015

DES APACHES DE NASSIM AMROUHE par Critique Chonchon

Des Apaches.
Lors de l’enterrement de sa mère, Samir (Nassim Amaouche) croise le regard d’un inconnu, son père (Djamel Barek, excellent). Celui-ci l’entraîne, par le truchement de Jean (André Dussolier, l'avocat du père, dans un rôle magnifique) dans une affaire familiale - la vente d'un hôtel possédé à moitié avec le cousin Belkacem (Hammou Graïa, une vraie gueule de cinéma) - qui le plonge au cœur de la population kabyle de Belleville et de ses traditions.
Une expérience qui le bouleverse, lui fait rencontrer son "clan" parce qu'il est le fils aîné, lui fait découvrir son demi-frère Karim (Kamel Labroudi, magnifique) et fait ressurgir son passé d’une étrange manière. Un passé qui s'entrelace avec son présent et son amour pour Jeanne (magnifique Laetitia Casta) dont il a eu un fils...
Alors qu’il se confronte à ses choix, Samir va s'affranchir de son enfance et de son clan pour devenir un homme libre, un «Apache».
"Le présent nous étouffe et déchire les identités. C’est pourquoi je ne trouverai mon moi véritable que demain, lorsque je pourrai dire et écrire autre chose." magnifique phrase du poète palestinien Mahmoud Darwich mort en 2008. Cette citation illustre le propos du film : Samir s’extrait du déterminisme familial parce que, contrairement à son père, il aura une relation avec son enfant.
J'aime beaucoup le cinéma du Franco-Algérien Nassim Amrouche, j'avais aimé son précédent film "Adieu Gary" (2008) et j'ai eu la chance de voir ses deux courts-métrages, "De l'autre côté" (2003) et "En terrain connu" (2012).
"Des Apaches" débute par un prologue documentaire sur la communauté kabyle qui vivait près de la Place de Clichy. Pour le réalisateur, il était nécessaire de l'inclure afin de donner toute sa dimension au sujet, puisque le film parle d'une communauté : "L’outil premier des sciences humaines est la statistique, la loi du plus grand nombre. Pour moi, le cinéma c’est le chemin inverse."
Nassim Amaouche décrit les us et coutumes de cette communauté kabyle avec une rigueur admirable.
Selon moi Nassim Amaouche a réussi nombre de défis : illustrer son propos avec des citations de Karl Marx ; filmer l'entrelacs complexe des vies de plusieurs protagonistes ; filmer un mélange des temps très réussi qui flirte parfois avec une forme de surréalisme ou plus exactement le "réalisme magique" si cher à Gabriel Garcia Marques, excusez du peu ; agrémenter sa mise en scène d'une très bonne musique, dont la sublime "Keeper of the flame" interprété par Nina Simone.
Par ailleurs le film n'occulte pas sa dimension éminemment politique : le réalisateur s'est appuyé sur le livre du sociologue Nassim Nicolas Taleb, "Le Cygne noir", qui interroge la confiance accordée aux statistiques. "Le cygne noir", c’est l’accident qui invalide la statistique et la loi établie par elle, et fait avancer l’Histoire. Naisse Amaouche s'est emparé de cette idée pour montrer un personnage qui défie l'ordre établi : "Samir est ce cygne noir, qui va s’affranchir du déterminisme communautaire qui lui était destiné et trouver son propre chemin." Et sur cette assise, le film n'a rien de pontifiant.
Un film sensible, qui, derrière un portrait finement tracé, fait connaître de l’intérieur une communauté singulière, pour laquelle j'ai une affection particulière.
Un film libre, qui oscille entre réalité et onirisme, dans un Paris poétique et secret. Une échappée très belle.
Là doit hélas rester mon propos, ma grande estime pour ce film que je trouve admirable - tout comme Serge Kaganski - et que je voudrais tant partager, car je sais que les mots pour inciter à aller le voir, en ces temps aux esprits rabougris, n'existent plus.

Des Apaches de Nassim Amrouch par CRITIQUE CHONCHON

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