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dimanche 26 avril 2015

LEE DANIELS PARLE DE LA SERIE PHENOMENE "EMPIRE"

Le réalisateur trash et provoc de Precious est devenu l’homme fort de la télé américaine. Invité d’honneur du festival parisien Séries Mania (qui ferme ses portes ce week-end), Lee Daniels revient sur l’extraordinaire carton de Empire, son soap shakespearien dans les coulisses du music-business, à voir à la rentrée en France.
Lee Daniels, merci pour le pilote d’« Empire ». Probablement l’heure de télé la plus psychédélique qu’on ait vu depuis le « Star Wars Holiday Special » de 78. Une entente improbable entre votre style de mise en scène cru et radical et les codes les plus kitsch du soap opera…
Lee Daniels : (Il part dans un éclat de rire) C’est vrai ! C’est vrai ! Ahah, peut-être… 
Oh non, c’est sûr, puisque dès l’épisode 1, que vous réalisez aussi, la caméra portée, les perspectives forcées, les jump-cuts et les effets de pellicule violentée ont disparu… Dès l’épisode 1, « Empire » se réfugie dans une esthétique télé passe-partout.
Oui. J’ai dû m’adapter au format télé. Et je n’ai pas beaucoup aimé ça… C’était très déconcertant. Et je savais que ça irait en empirant puisque d’autres réalisateurs devaient prendre le relais de cet épisode… En télé, vous êtes investis dans les personnages. L’essentiel est là. Et le casting est l’étape la plus importante, ce qui n’est pas forcément vrai au cinéma. Il y a énormément de gens impliqués dans la production d’une série télé. Vous n’êtes pas Dieu. Vous n’êtes pas Roi. Lorsque je réalise un film, je suis seul. J’endosse l’entière responsabilité de ce que je tourne. Sur « Empire », tout le monde avait une opinion : la boîte de prod, le studio, la chaîne… C’est très frustrant. Assez terrifiant, même. En prenant un peu de distance après l’épisode 1, j’ai eu la sensation d’être un mauvais père. La sensation d’abandonner mon enfant… Et puis j’ai vu l’épisode 2, l’épisode 3, aaaargh ! (Il fait mine de s’étrangler). Mais le public était déjà très investi à ce stade, et les épisodes n’ont cessé de grimper en qualité. Better, better, and better… Et puis on est entré dans l’Histoire (l’épisode final a enregistré un record d’audience avec 17, 47 millions de téléspectateurs, ndr). 
Et malheureusement, Terence Howard dût se séparer de cette incroyable coupe de cheveux rétro qu’il a dans le pilote…
On venait de travailler ensemble sur Le Majordome, et on a un peu repris le look sexy bad boy qu’il avait dans le film. Cette coupe fifties permanentée à la Sammy Davis Jr, ascendant Ike Turner… Après mûre réflexion, on s’est dit que l’Amérique n’était pas prête à affronter ça chaque semaine.
Le titre de la série est Fox’s Empire. La chaîne l’aimait tellement qu’ils se sont sentis obligés de la « brander » ? 
Non, le titre est Empire.
Au générique, on lit : Fox’s Empire
Ecoutez, ils l’ont acheté, ça leur appartient, ils peuvent en faire ce qu’ils veulent… Mais c’est à moi ! Ahahah ! … Ils peuvent l’appeler Paramount’s Empire si ça les amuse. Rien à foutre. C’est 100 % moi… 
« Le Roi Lear » transposé dans le monde du music business. C’était ça l’idée ?
Danny Strong, au milieu du montage du Majordome 
La scène de la poubelle, dans le pilote (Terence Howard y jette son jeune fils, qu’il soupçonne d’être homosexuel), c’est autobiographique ?
Oui. En Amérique aujourd’hui, le sida n’est plus une maladie d’homosexuels mais une maladie de Noirs. Qui tue des dizaines et des dizaines de femmes et d’enfants parce que les hommes ont trop peur de sortir du placard et d’en parler. C’est suffisamment difficile d’être Noir dans ce pays (des flics blancs vous tirent dessus sans sommation), mais être Noir et gay ? Il y a une culture du secret autour de ça, c’est non seulement insidieux mais carrément meurtrier. Avec Empire, je voulais lever ce voile. J’ai l’impression qu’on y parvient, et ça me rend très heureux…
Terence Howard est diagnostiqué dans le pilote d’une maladie incurable. Il n’a plus que « quelques années » à vivre…
Laissez-moi vous dire… Terence Howard est fou. Avec une réputation d’acteur « difficile ». C’est mon meilleur ami, il est brillant… mais il est fou ! Je lui ai dit : ‘J’ai donné à ton personnage une maladie incurable. Comme ça si tu déconnes, si tu ne te pointes pas à l’heure… Je te tue’. Et je peux vous dire qu’il fait très attention ! Je ne l’ai jamais vu aussi calme et discipliné, ahah !... Il y a une autre raison à la « maladie » de Terence. A la longue, bosser à l’année sur une série télé peut devenir monotone. On est potes d’abord, et collaborateurs ensuite. Et je ne veux pas que Terence se sente enchaîné à ce job. S’il veut partir, alors il mourra…



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